Eloge de la chanson populaire, avec Arsène (N'oubliez pas les paroles)

Eloge de la chanson populaire, avec Arsène (N'oubliez pas les paroles)

Peu de gens sans doute se souviendront de 2020, marquée d’une pierre noire par la pandémie de Covid-19, avec nostalgie : l’année passée, les articles Paroles d’Actu, comme ceux du monde entier, auront d’ailleurs été largement empreints de cette lourdeur. Dans ce contexte, j’ai souhaité donner la parole à quelqu’un qui lui, peut affirmer sans offenser quiconque qu’il a vécu une année 2020 formidable : Arsène, jeune Rouennais de 22 ans, a compté ces derniers mois parmi les grands Maestros de N’oubliez pas les paroles, le jeu musical que présente Nagui sur France 2. Vainqueur du tournoi des Masters de novembre après un parcours remarqué au printemps dernier, il a été une des révélations de l’année télé, côté candidats. L’échange qui suit a été réalisé entre le début du mois de décembre et la mi-janvier : c’est une rencontre, au meilleur sens du terme, avec un jeune homme ayant vécu, grâce à son travail, une aventure rare qui aura transformé son existence. Merci à toi, Arsène, pour la confiance que tu m’as accordée, et pour toutes ces confidences. Bon vent (normand évidemment) ! Une exclusivité Paroles d’Actu, plus légère donc. ;-) Par Nicolas Roche.

EXCLU PAROLES D’ACTU

Éloge de la chanson populaire,

avec

Arsène

(N’oubliez pas les paroles)

Bonjour Arsène et merci d’avoir accepté cet interview pour Paroles d’Actu. On va parler dans un instant de l’émission qui t’a fait connaître, mais avant cela, qu’aurais-tu envie que nos lecteurs sachent de toi ?

Bonjour, je m’appelle Arsène, j’ai 22 ans et je suis Rouennais. Je fais des études d’histoire à l’université de Rouen, ville où j’ai toujours vécu. Je suis actuellement en Master 2.

Il y a deux semaines, tu remportais le tournoi des Masters de N’oubliez pas les paroles. Comment as-tu vécu cette victoire ?

Je suis extrêmement fier de ma victoire aux Masters. Je me permets de le dire parce que j’ai énormément travaillé pour y arriver. Bien sûr, j’ai aussi eu de la chance, et forcément il y a une part de chance, dont certains de mes concurrents ont pu manquer.

« J’ai beaucoup travaillé pour préparer les Masters,

je suis très content que ça ait payé,

au-delà même de mes espérances. »

Je n’ai pas du tout relâché mes efforts depuis mes passages télé d’avril. J’ai continué à me préparer pour les Masters tout l’été et toute la rentrée, plusieurs heures par jour. Et je suis très content que ça ait payé, au-delà même de mes espérances : j’avais l’espoir d’arriver en demi-finales et de gagner un peu d’argent, j’ai gagné les Masters et 112.000€ (le record de gains pour des Masters). Je ne pouvais pas rêver mieux.

Cette victoire a-t-elle une saveur particulière par rapport à ton parcours dans le jeu ?

J’étais forcément un peu déçu d’avoir perdu en avril. Je ne reviendrai pas sur les polémiques autour des conditions de ma défaite, ça n’a pas lieu d’être ici, mais je pense que tous les Maestros, quels que soient leurs gains, sont déçus de perdre, et les Masters peuvent être une occasion de montrer qu’on est encore là, dans le jeu, et c’est plutôt bien.

J’ai lu que tu avais pas mal écouté Nostalgie notamment, et évidemment révisé beaucoup de chansons, avec l’humilité de dire qu’en tant qu’étudiant, c’était plus facile pour toi de dégager du temps pour cela. Mais quand même, ça a supposé une vraie discipline non ? Quelle organisation, et combien d’heures passées à mémoriser des chansons ?

Oui, cela demande pas mal de méthode, d’organisation et de temps. Ma méthode d’apprentissage s’est affinée. J’ai gagné en méthode depuis que j’ai commencé à apprendre des chansons. En tout, ça m’a pris un peu plus d’un an et demi.

J’ai commencé à apprendre des chansons par coeur une par une juste après mon deuxième casting, en 2018 (je n’avais pas été retenu). Pas mal de titres très connus comme Double je de Christophe Willem, L’Aziza de Daniel Balavoine, ou Que je t’aime de Johnny... J’ai appris à peu près 150 tubes incontournables pour, le jour où je passerais à l’émission, être assuré de marquer quelques points.

Je me suis rendu compte au fur et à mesure que j’apprenais bien, que ça restait gravé dans ma mémoire. Et je redoutais un peu de faire un score très bas dans l’émission, quelques points puis repartir. Donc je me suis dit qu’il me fallait apprendre un maximum de chansons pour réduire ce risque. Je ne pensais même pas forcément à gagner de l’argent, à ce moment-là, encore moins à devenir Maestro.

Pendant un peu plus d’un an, j’ai continué à apprendre des chansons, et c’est devenu comme une gymnastique cérébrale que j’aimais bien.

J’avais une méthode assez précise. Je téléchargeais toutes les chansons qui tombaient dans le jeu et que je ne connaissais pas. C’était, un jour sur deux, apprentissage et révisions. Le jour "apprentissage", j’écoutais deux ou trois fois la chanson que je voulais apprendre, pas plus, ensuite j’écoutais d’autres chansons que je voulais apprendre. Le lendemain, je révisais aléatoirement quelques chansons de la playlist que j’étais censé connaître. Puis je réécoutais deux ou trois fois celles écoutées l’avant-veille. Je trouvais que c’était plus efficace que d’écouter trente fois une même chanson en une journée. De cette façon, la chanson fait son chemin dans notre cerveau et s’ancre dans notre mémoire de manière presque indolore. Je voyais la liste de mes chansons apprises grossir, c’était gratifiant et encourageant.

Lors de mes premiers tournages, je suis ainsi arrivé avec 900 chansons en tête. Ca a représenté beaucoup de travail. Un an avant mes tournages, j’y passais une demi-heure à trois quarts d’heure par jour, et dans les dernières semaines avant, je ne faisais quasiment que ça de mes journées. Aujourd’hui, je connais environ 1150 chansons.

Pas mal en effet ! Qu’est-ce qui est plus compliqué, devoir apprendre des dates historiques, ou bien des paroles de chansons ? Est-ce que le fait que celles-ci soient en rythme et en musique aide aussi à la mémorisation ?

Ce n’est pas vraiment la même chose. J’ai appris quelques dates historiques à l’école ou au collège, à l’époque où on nous demande d’apprendre des dates par coeur. Aujourd’hui, quand on est à l’université, ces choses sont ancrées et on ne nous demande plus vraiment d’apprendre par coeur, sauf pour les examens de fin d’année.

« Ce qui m’a aidé à apprendre des chansons,

c’est surtout que j’adore ça. »

Ce qui m’a aidé à apprendre des chansons, c’est surtout que j’adore ça. J’écoute beaucoup de chansons depuis très longtemps. Je suis un fan de variété française. J’écoute beaucoup de CD, la radio, et j’ai une platine vinyle. J’ai donc acquis une culture musicale de base, donc avant d’apprendre des chansons pour l’émission, sans vraiment chercher à l’acquérir. Donc je n’ai pas vécu cela comme l’apprentissage d’un cours d’histoire ou d’une poésie.

Quels conseils donnerais-tu à une personne, jeune ou moins jeune d’ailleurs, qui aurait envie de se frotter sérieusement à ce jeu, qui d’ailleurs est très populaire ?

Je peux renvoyer cette personne aux conseils que je viens de te donner. Une méthode plutôt indolore. Mais évidemment, ça dépendra du temps dont elle pourra disposer.

Ce qui aide, c’est simplement aimer ça. Pour moi, au bout d’un moment, ça devenait presque une drogue. Quand je me levais le matin, j’allais faire ma balade de deux heures dans la forêt ou sur les quais de Seine à Rouen, avec mes écouteurs dans les oreilles, et j’écoutais des chansons, beaucoup de chansons. Ces apprentissages sont liés pour moi à de bons moments.

Il faut aussi être conscient qu’il y a une grosse part de chance. Le fait d’apprendre des chansons ne fait que réduire la part de la chance et augmenter celle du mérite. On peut très bien avoir appris 1500 chansons et ne tomber que sur des titres qu’on ne connaît pas. Avec, aussi, le risque de perdre ses moyens sur une chanson, de bafouiller, ce qui était vraiment mon cauchemar, surtout sur une chanson que je connaissais. J’aurais travaillé des mois pour rien.

Pour diminuer ce risque de perdre ses moyens, je conseille aux candidats de multiplier les karaokés en public (quand c’est possible !) en évitant de regarder les paroles sur le prompteur, pour se tester. En tout cas il faut y consacrer beaucoup de temps et de travail.

Il y a trois ans tout juste, on apprenait la disparition de Johnny Hallyday (question posée le 5 décembre 2020, ndlr). Est-ce qu’il fait partie de ces artistes que tu aimes et qui t’inspirent ? Et quels sont-ils, ces artistes qui ont pour toi une place particulière ?

Johnny Hallyday j’aime bien, sans plus. C’est évidemment un monstre sacré de la variété et du rock en France, une légende du fait de sa puissance vocale, de son allure, de sa beauté physique, de son charisme, de sa longévité et de sa capacité à traverser les époques et les modes. On a tendance à l’oublier, mais il a aussi connu de petits creux notamment à la fin des années 70 et dans les années 2000.

J’aime beaucoup de chansons de lui mais je ne le classerais pas parmi mes chanteurs favoris. J’ai été marqué par plusieurs chanteurs, durant des périodes successives de ma vie.

À une époque, j’aimais beaucoup Joe Dassin. Il chantait des hymnes populaires qui étaient aussi des titres de qualité, des hymnes populaires, intelligents et émouvants.

J’aime beaucoup Claude François pour sa capacité à traverser, lui aussi, les modes et les époques. Ses derniers titres disco, Alexandrie, Alexandra et Magnolias for ever sont vraiment de qualité, même les spécialistes le disent. Les orchestrations sont très recherchées, bref ce sont de bonnes chansons.

Quand j’étais ado j’aimais aussi beaucoup Hervé Vilard et Sheila, des chanteurs populaires sans prétention qu’on dénigre un peu aujourd’hui mais que j’aime bien.

Eloge de la chanson populaire, avec Arsène (N'oubliez pas les paroles)

Mon chanteur favori, c’est Michel Sardou. Pour moi, le plus grand chanteur français derrière Johnny, et avant Jean-Jacques Goldman. Le trio de tête.

« Je rêverais d’avoir la voix de Michel Sardou. »

Les textes de Sardou sont intelligents, les mélodies composées pour lui sont toutes très belles, et il a une voix exceptionnelle que j’aimerais bien avoir, mais je peux toujours rêver (il est ténor et je ne suis pas ténor donc ce rêve-là je peux l’enterrer). Sardou c’est le chanteur “tout court”. Il n’est ni le chanteur “rock” comme Johnny, ni le chanteur “auteur-compositeur” à la Goldman, ni le chanteur à minettes comme Patrick Juvet, ni le chanteur jazz comme Michel Jonasz, etc... C’est ça que j’aime bien. Il ne cherche pas à être spécialement original. Il fait de la chanson.

Tous ces artistes que je viens de citer, qui ont eu leur heure de gloire dans les années 70-80, ont eu cette particularité de faire des chansons populaires, des tubes qui étaient des chansons de qualité. Aujourd’hui, je trouve que c’est un peu soit l’un soit l’autre. Les chanteurs de qualité ont une audience limitée, et les chanteurs qui sont dans les tops des ventes sont moins bons à mon avis.

C’est quoi tes quelques chansons préférées, celle que tu connais depuis longtemps sans avoir eu à les apprendre et que tu chantes, pour le coup, pour le plaisir ?

Je vais t’en citer cinq, dont une en anglais. Je pense que c’est un bon choix. Ce sont vraiment des chansons que j’aime spontanément, et que je n’ai pas eu besoin comme tu l’as dit de les “travailler” spécialement pour l’émission.

La première, une des chansons que j’ai le plus écoutées dans ma vie, et en tout cas dans mon adolescence, c’est Nous (1979) de Hervé Vilard. Elle a été un énorme tube quand elle est sortie, mais, comme beaucoup de chansons de cette époque-là (je pense à Reviens, à Rêveries de Hervé Vilard, ou à certains titres de Sheila), injustement oubliée ensuite parce que très peu diffusée en radio. Même sur Nostalgie !

« Ado, j’étais un peu groupie

du Hervé Vilard des années 70. »

J’aime beaucoup Hervé Vilard. Quand j’étais ado, j’étais un peu groupie du Hervé Vilard des années 70, je le trouvais beau, bien coiffé (je rêvais d’avoir sa coupe de cheveux). Si j’avais été chanteur, il était celui que j’aurais aimé être à l’époque. Nous, c’est un peu la chanson qui a lancé sa deuxième partie de carrière, parce qu’il était déjà connu dans les années 60 avec Capri c’est fini ou encore Mourir ou vivre. Nous, c’est un slow qui parle d’une rupture amoureuse, un très beau texte de Claude Lemesle (qui a écrit notamment pour Sardou, Reggiani, Joe Dassin...) sur une mélodie de Toto Cutugno. Pour moi ce texte est vraiment poétique. Certaines mauvaises langues diront que c’est de la poésie un peu facile, “grand public”, mais c’est de la belle poésie. “C’est un cri arraché au ciel, Un rayon qui manque au soleil”. Moi ça me parle, et ça fait un ensemble assez poignant.

La deuxième, ce serait Marie-Jeanne, de Michel Sardou, en 1990. Son dernier gros tube (il en connaîtra un autre dans les années 2000 avec La rivière de notre enfance, en duo avec Garou). Cette chanson aussi est un peu oubliée aujourd’hui, parce qu’il est rare qu’elle sorte quand on demande à quelqu’un de citer trois ou quatre chansons de Sardou. Elle contient un peu tout ce que j’aime dans la chanson française, et chez Sardou en particulier : d’abord ce rythme assez dansant (j’aime la variété rythmée) même si on ne danserait pas forcément sur cette chanson, cette alliance d’une mélodie planante (notamment sur le refrain) avec une orchestration très rythmée (guitares électriques, basses, synthé, boîte à rythmes...). J’aime aussi la belle voix puissante de Michel Sardou, et ce texte sur un ton désabusé, sur le temps qui passe : “Les Marie-Laure, Les Marie-Jeanne, Dans la fumée de ma gitane, Que sont nos amours devenues ?”. Il dresse un portrait un peu acide de toutes ces femmes qui ont eu des rêves d’enfance qui ne se sont pas réalisés. Ce ton désabusé correspond assez à mon caractère.

La troisième, Elle m’oublie de Johnny Hallyday (1978). Encore une fois, un tube de Johnny mais pas son plus gros tube, pas celui qu’on citerait en premier. C’est aussi un des premiers grands succès écrits par Didier Barbelivien qui a écrit énormément de succès dans les années 70 et surtout 80, dont On va s’aimer, Méditerranéenne, etc... Ce que j’aime dans ce texte, c’est que ce sont des paroles très simples, où le narrateur imagine ce que devient une fille qu’il a connue et aimée. Il imagine qu’elle l’oublie, avec, dans les couplets, une succession de détails du quotidien écrits très simplement et qui sont assez parlants : “Demain matin, bien sûr, elle arrive à Paris, Elle retrouve les rues, ses parents, ses amis, Je lui donne trois semaines pour tomber amoureuse, Et devant son miroir, elle est déjà heureuse, elle m’oublie”. On y pense forcément quand on est dans cette situation, celle d’une rupture, ou quand on songe à quelqu’un qui s’est détaché de soi.

La quatrième, Fais-moi une place de Julien Clerc (1990). C’est la moins mal lotie des quatre déjà citées, elle a bien traversé le temps et reste très connue. Julien Clerc a composé la mélodie, et le texte est signé Françoise Hardy. Comme beaucoup de chansons de Julien Clerc, elle est très mélodieuse, et le texte colle parfaitement à la voix de l’interprète, avec son fameux vibrato. La chanson s’inscrit dans un album (“Fais-moi une place”) que je trouve très bon (bien que je ne sois pas critique), avec beaucoup de belles chansons, des mélodies un peu planantes (je pense notamment à Le verrou, à Petit Joseph ou à Le chiendent).

La cinquième, c’est une chanson en anglais mais chantée par une chanteuse française, c’est Spacer de Sheila. Avant ma période Hervé Vilard, je me suis beaucoup intéressé à la carrière de Sheila, vers mes 11 à 13 ans. J’aimais ses chansons, j’ai emprunté son best of à la médiathèque et je soûlais mes parents avec elle en partant en vacances (rires). Ce qui m’a fasciné chez Sheila, c’est sa carrière, un peu comme un conte de fées. Elle a eu une carrière très longue, même si elle est un peu dénigrée aujourd’hui parce qu’elle fait partie de ces chanteuses, comme Mireille Mathieu, Nana Mouskouri ou Michèle Torr, qu’on considère comme étant un peu “gnangnan”. Moi j’aime bien. Ce sont des chansons populaires, qui pour certaines ont peut-être un peu mal vieilli, mais avec des refrains accrocheurs, qui restent en tête, et qui sont pour la plupart bien écrites.

« J’aime Sheila, qu’on considère comme étant un peu

"gnangnan" aujourd’hui. Ce qui me passionne dans

sa carrière, c’est qu’elle a épousé toutes les modes. »

Ce qui me passionne c’est que, dans sa carrière, Sheila a épousé toutes les modes. D’abord sa carrière yéyé, avec ses couettes, puis sa coiffure bouffante, son espèce de “casque” avec son kilt, ses petits chemisiers... Ensuite, les années 70 avec ses cheveux longs, la période avec Ringo, ses costumes moulants à paillettes, ses combinaisons pattes d’éléphant, et des chansons qui se rapprochaient de plus en plus de la vague disco. Vague qu’elle embrasse clairement avec cette chanson donc, Spacer. Un nouveau départ pour elle, parce qu’elle était un peu coincée dans son registre de chansons un peu mièvres pour mères de famille des années 70. Elle part aux États-Unis et y rencontre, je crois, le producteur du groupe Chic, qui va lui faire cette chanson qui aura été un tube là-bas. Elle ne passe plus beaucoup en radio mais elle a permis de découvrir un nouveau visage de Sheila, peut-être un peu plus dans le vent. J’aime sa mélodie qui paraît tellement évidente et “tubesque”, cette belle intro au piano... J’ai beaucoup écouté ce vinyle !

Que retiendras-tu de cette expérience télé, je pense au contact avec Nagui, les équipes du jeu et aux coulisses en général ? La télé, ça t’attire ?

Je vais essayer de répondre à deux questions que me posent assez souvent les gens qui me connaissent, ou même ceux que je croise dans la rue: 1/ il est sympa Nagui? 2/ c’est pas un milieu de requins, la télé?

Est-ce que Nagui est sympa? J’aurais du mal à répondre, parce que je connais assez peu. Ce n’est pas du tout un reproche que je lui fais, la plupart des Maestros sont aussi dans mon cas. C’est un homme très occupé. La plupart de nos interactions avec lui se font sur le plateau, devant les caméras. Il vient nous saluer avant qu’on arrive sur le plateau, mais on enchaîne tout de suite après sur l’émission. Il cherche la spontanéité, à nous découvrir et est sincèrement curieux des gens sur le plateau. Mais ensuite, il passe vite à autre chose. Encore une fois ce n’est pas un reproche: tout s’enchaîne très vite, il doit s’intéresser aux candidats suivants, qu’on soit Maestro ou pas d’ailleurs. Il ne reste pas en coulisses avec nous pour boire un verre ou manger avec nous, et forcément ne peut pas être très disponible.

J’ai toujours trouvé l’ambiance en coulisses très bonne, que ce soit avec les Maestros ou avec les candidats «normaux» (quand j’étais un candidat«normal»). C’est vraiment très bon enfant. On est tous préparés, briefés, en petits groupes. La production, les équipes de casting, etc... font tout pour nous chouchouter. On nous explique comment ça va se passer, comment se placer sur le plateau, comment être avec Nagui, etc... On nous maquille, on nous coiffe, on choisit nos vêtements avec la costumière. Il y a de quoi manger et de quoi boire. Quand arrivent les tournages, on attend notre tour, juste derrière le plateau. On voit Nagui et le candidat de dos, on chante en même temps que lui, on apprend à se connaître avec les autres, on compare nos connaissances musicales... J’ai de très bons souvenirs de cette ambiance, qui aide à relâcher la pression avant de monter sur le plateau. Et tout cela centré autour de la chanson française, qui nous rassemble tous.

« Me verrais-je faire de la télé? Je ne suis pas sûr. »

De très bons souvenirs donc. Pour autant, est-ce que je ferais de la télé? Je ne suis pas sûr. Il y a des gens qui me trouvent décontracté sur le plateau, mais c’est normal, on est des candidats, mis en valeur par Nagui qui nous pose des question et cherche à faire ressortir le meilleur de nous-mêmes. S’il sent un embarras, il passe à autre chose, etc. Je ne sais pas si je serais à l’aise à travailler vraiment à la télé.

Est-ce que ce goût de la chanson et de la musique, que tu as démontré émission après émission, te donne envie (et peut-être est-ce déjà un projet) de te créer ton propre univers musical ? D’ailleurs, est-ce que tu écris un peu, et est-ce que tu joues de la musique ?

Je peux dire qu’un de mes rêves plus ou moins assumés et précis serait d’être chanteur, mais uniquement chanteur à succès (rires), je ne me vois pas galérer pendant 15 ans dans des petites salles. Comme dans Le chanteur de Balavoine, si je pouvais faire des tubes, gagner des thunes, ce serait bien!

J’ai commencé à écrire des chansons pour la première fois quand j’avais 15 ans. J’en faisais une de temps en temps, c’était pas terrible, vraiment, mais j’essayais de m’inspirer de toutes les chansons que j’aimais bien. J’ai plus ou moins laissé tomber par la suite, puis j’ai acquis des livres de conseils pour écrire des chansons, dont L’art d’écrire une chanson de Claude Lemesle, auteur à succès que j’ai cité tout à l’heure. J’ai lu ce livre, regardé des vidéos de conseils sur internet, etc...

« Au niveau des textes que j’écris, il y a encore

du chemin à faire, mais je constate que

je m’améliore, que ça devient potable. »

En tout, j’ai dû écrire, depuis le début, une vingtaine de chansons. Sur ces vingt, quatre ou cinq doivent être correctes. Mais je remarque que, j’ai beau en écrire peu, c’est vraiment un exercice auquel on ne peut que progresser. Au départ, je faisais des trucs d’ado assez nazes, mais au fur et à mesure que j’en écrivais, j’évitais des lourdeurs, je tournais mieux mes phrases, et je constate que je ne fais que m’améliorer. Il y a encore du chemin, mais ça commence à devenir potable, si on imagine certains textes avec de vraies mélodies.

Ces projets se précisent un peu. Après mes diffusions d’avril, j’ai été contacté par un studio d’enregistrement dans l’est de la France tenu par une des Maestros, Johanna. Elle m’a contacté, avec son associé, pour me proposer de me faire un titre sur mesure (paroles, musique, éventuellement un clip) gratuitement, parce que ça leur fait de la publicité de faire une chanson pour un Maestro. À plus forte raison maintenant que j’ai gagné les Masters. J’ai accepté, mais je leur ai dit que j’avais envie d’écrire les paroles, parce qu’il y a certains textes dont je suis satisfait. À leur charge de trouver une mélodie et des arrangements. Je leur ai envoyé un texte, dont je tiens la teneur secrète pour le moment, mais je ferai un peu de pub au moment de sa sortie. Ils planchent actuellement sur l’accompagnement, sur la base de pistes que je leur ai données concernant le style que j’aimerais. J’ai écouté plusieurs de leurs chansons et je suis sûr que ce qu’ils me proposeront va donner quelque chose de bien.

Écrire une chanson, c’est vraiment un exercice difficile. C’est assez ingrat parce qu’on peut passer des heures pour pondre une ou deux lignes à peu près potables. Parfois on ne trouve rien du tout, que des trucs nuls, des rimes faciles, des choses mièvres ou au contraire beaucoup trop sophistiquées pour que ce soit bien. Et de temps en temps, presque sur un malentendu, on tombe sur une strophe bien, un couplet inspiré. Beaucoup d’auteurs le disent. Je ne prétends pas du tout être Georges Brassens pour l’instant, mais je sais qu’il passait des journées entières à rayer, à retoucher, à recommencer des textes... C’est un petit chemin de croix, mais quand on y arrive, on est content. Je ne relâche donc pas mes efforts! Et peut-être que ça donnera quelque chose de bien à l’avenir.

Quel regard portes-tu sur cette année si particulière pour tous qui s’achève ? Est-ce qu’elle t’aura changé, toi, cette année 2020 ? Peut-être renforcé dans ta confiance en toi, et affiné tes perspectives d’avenir ?

Cette année 2020 a évidemment été bonne et même très bonne pour moi.

Déjà, financièrement parlant, avec l’argent que j’ai gagné de mes émissions d’avril et des Masters... Partir dans la vie, à 22 ans, avec plus de 300.000€ sur le compte en banque, c’est une très belle chance. Je pense acheter de l’immobilier, des maisons ou des appartements (j’ai déjà commencé à faire des visites), à les louer et à toucher les loyers. Je pourrais presque déjà en vivre. Être rentier, moi ça ne me dérangerait pas, de passer ma vie à lire des livres, à regarder des films et à me promener en forêt tout en touchant quasiment un salaire. Mais ça ne sera sans doute pas le cas, il faut de l’ambition, ou en tout cas d’exigence pour soi-même. Vouloir se réaliser en quelque chose, et ne pas vivre uniquement sur les fruits d’un travail passé (quelle que soit la taille des fruits).

Il y a aussi l’aspect fierté personnelle. Je sais que ça ne se voit pas beaucoup quand je passe à l’émission, mais je n’ai pas une grande confiance en moi. Sans trop rentrer dans des détails psy (je n’ai pas été maltraité par la vie, mes parents gagnent bien leur vie et j’ai toujours été chouchouté et protégé), disons que j’avais envie d’accomplir une grande chose. J’avais essayé de rentrer à Sciences Po après mon bac, j’avais fait une prépa pendant un an et n’avais pas été pris, ça avait été un assez gros choc parce que jusqu’alors je réussissais tout ce que j’entreprenais. Quand on est jeune, on côtoie d’autres jeunes qui semblent meilleurs que soi, avec plus d’argent, maîtrisant plus d’activités, avec davantage de projets et d’enthousiasme, un plus grand succès dans leurs relations sentimentales... Et parfois j’ai pu souffrir de cette comparaison avec d’autres, ayant un regard très sévère sur moi-même.

« J’ai souvent manqué de confiance en moi.

Ca va mieux, depuis l’émission... »

C’est sûr que, depuis le 1er avril 2020, date de ma première émission, ça va mieux, et j’en suis très heureux, parce que je sais que j’aurais été malheureux si j’avais perdu à ce moment-là. Comme un coup en plus, l’échec supplémentaire. Là ça va bien, et même très bien. J’ai un regard beaucoup plus bienveillant sur moi-même, quasiment un sentiment de plénitude parce que ça, ce défi, j’ai le sentiment de l’avoir réussi et même bien réussi. Je souhaite à n’importe qui de prouver ce qu’il peut donner après plusieurs années d’efforts acharnés (bon, ok, ça fait un peu protestant capitaliste, le rêve américain, mais ça reste vrai). Être récompensé des fruits de son travail, c’est juste merveilleux.

Est-ce que tu ambitionnes, ce serait en tout cas une des suites logiques de ton M2 en Histoire, d’enseigner l’histoire-géo, ou bien te verrais-tu davantage faire de la recherche historique ?

Comme j’ai pu te le dire, je suis en M2 Recherche en Histoire et je fais un mémoire sur un parti politique français. Ces études n’ont pas de débouché, à part enchaîner sur un doctorat, passer l’agrégation ou le Capes, mais ce n’est pas ce que je prévois de faire. Je ferai sans doute un autre master, plus professionnalisant. Je ne sais pas encore trop dans quoi, mais peut-être plus dans les sciences politiques au sens large. Et à voir, si je démarre bien dans une carrière musicale, je pourrais peut-être me contenter de cette carrière musicale. On verra bien. J’aurai en tout cas les revenus de mes loyers qui compléteront très avantageusement mes revenus musicaux, sachant que les revenus d’artistes sont souvent précaires.

L’année prochaine, je prendrai peut-être une année une année sabbatique pour réfléchir à ce que je veux faire, voyager un peu et mettre sur les rails mes investissements immobiliers.

Cette question, je la posais pas mal il y a quelques années, un peu moins maintenant mais je ne peux pas ne pas la poser à un étudiant en Histoire. Un savant un peu fou qu’on appellera Doc’ vient de mettre au point une machine à voyager dans le temps et l’espace. Tu as droit à un seul voyage, de 24h ou perpétuel si affinités. Où et quand irais-tu te promener ?

J’aimerais bien être transporté, toujours en France, mais en ces temps où la France était puissante et glorieuse. Le problème, c’est que ces époques ne coïncident que rarement avec des moments où il faisait bon vivre. Au temps de Louis XIV, la France était première en Europe mais il y avait beaucoup de guerres, les gens avaient faim et froid... Napoléon Ier, idem, la France dominait l’Europe entière et avait repoussé ses frontières, mais c’était la guerre tout le temps, on avait donc pas mal de chances de mourir sur un champ de bataille. Disons que la puissance et la gloire ne sont pas de tout repos.

Il y a eu des périodes où les dirigeants donnaient aux Français le sentiment qu’on était une grande puissance, tout en ménageant la paix et la prospérité. Je pense notamment au Second Empire, qui me fascine. J’aime ces temps où il y a un règne assez long, avec un homme à poigne (c’est mon côté bonapartiste), un Napoléon Ier, un Napoléon III ou un De Gaulle. La France a été rayonnante pendant le Second Empire, sur les plans culturel et économique. La France a peut-être été la première puissance économique mondiale à cette époque. Et elle ne remportait pas alors particulièrement de victoires militaires, mais au moins, il y avait la prospérité, avec un empereur qui a régné longtemps et avait une fibre sociale très prononcée. Sans doute croyait-il sincèrement en la démocratie, même si bien sûr il ne l’a pas vraiment appliquée.

« Pourquoi choisir ? J’aime Hervé Vilard,

et j’aime la bombe atomique ! »

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« J’ai une nostalgie pour les années De Gaulle,

Pompidou, début Giscard... La dernière période

où la France fut grande... »

Je pense aussi aux années De Gaulle et Pompidou, et au début des années Giscard. La dernière période où la France fut grande. Avant le déclin. Là, je livre totalement et sans fard le réac qui est en moi, je ne cherche même plus à le cacher (rires). De Gaulle, ce sont des institutions politiques fortes, avec un président fort qui fait finalement la synthèse entre notre histoire monarchique et nos institutions républicaines. Je pense que c’est à ce moment-là que la France a trouvé son équilibre. C’est aussi la période de la bombe atomique, et de la France puissance motrice de l’Europe. Il ne s’agissait pas vraiment du couple franco-allemand, mais plutôt du jockey français et du cheval allemand, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. C’est aussi l’époque où on avait 5% de croissance par an, où on voyait les ouvriers passer leurs vacances sur la Côte-d’Azur, où Hervé Vilard sortait son premier 45 tours, tout comme Sheila. L’époque où on pouvait être prof de lycée et avoir une maison de vacances en Savoie, un bateau à la Rochelle et un appartement dans le XVIè, et c’était normal!

Pompidou c’était pareil, il était sur la même lancée. J’ai une affection particulière pour lui.

Et avec tout ça, est-ce que tu te sens malgré tout bien dans tes baskets à notre époque ?

Je serais tenté de te dire que moi, mon époque fétiche, ce sont les années 70-80, en tout cas sur le plan musical. Je pense aussi à tout ce qui est vestimentaire, aux voitures, etc... Mais le problème c’est que, si je vivais à cette époque-là, je n’aimerais pas non plus mon époque, et je voudrais plutôt retourner dans les années 50. C’est sans fin, c’est mon dandysme inné qui fait que je me reconnais plutôt dans des temps qu’on considérerait aujourd’hui comme ringards. Me transporter dans une autre époque, ça ne suffirait pas. Donc finalement je ne suis pas si mal dans la mienne.

« Ce qui me gêne le plus aujourd’hui, c’est le poli-

tiquement correct, la bien-pensance ambiante... »

Ce qui me gêne le plus aujourd’hui, et là c’est encore un peu ma petite fibre de réac’ qui parle, c’est le politiquement correct, la bien-pensance ambiante qui fait qu’on ne peut plus dire grand chose, comme si la société n’était plus qu’une juxtaposition de communautés toutes plus fragiles, plus meurtries et plus nobles les unes que les autres, que ce soient les communautés ethniques, religieuses, sexuelles... Tout ce qui n’est pas mâle blanc, 40 ans, Français de souche, catho et hétéro... Comme si on était dans un univers de naphtaline, où tout le monde est ultra-susceptible, où tout le monde est en sucre en fait. C’est tout juste si on ose imiter Joe Dassin à la télé, parce que c’est méchant pour les gens qui louchent...

Bon, j’exagère peut-être un peu: je dois avoir l’honnêteté de reconnaître que dans mon quotidien, on est quand même libres. Je me plains pas, on n’est quand même pas en Union soviétique, ou en pleine Révolution culturelle. Mais quand même, on sent comme une lame de fond qui vient des États-Unis qui est de plus en plus présente, dans les médias, dans les universités, et chez les gens en général. De plus en plus d’écriture inclusive, de précautions sémantiques pour ne pas choquer tel ou tel segment de la population... Voilà ce qui me chagrine le plus dans notre époque. Mais à part ça, ça va!

Pour cette question, sans doute me diras-tu que tu prendras une troisième voie, qui sera la tienne, mais allez, pour le fun, à choisir, plutôt Arsène Lupin, ou Arsène Wenger ?

C’est rigolo parce que je pense vraiment que le prénom qu’on nous donne participe à nous forger une personnalité. Arsène, c’est un peu le nom du dandy gentleman et il paraît que ça me correspond assez bien. Comme par hasard, les deux autres Arsène que je connais, ceux que tu as cités, sont aussi des messieurs assez élégants. Je ne connais absolument rien au foot, mais Arsène Wenger est grand, élancé, fin et élégant, et on dit parfois que j’ai ces qualificatifs! Arsène Lupin, évidemment, c’est le dandy gentleman par excellence. C’est aussi une étiquette à laquelle les gens m’associent assez bien. Je ne ferai donc pas de choix entre les deux. ;-)

Quelques mots pour nous donner envie, après le confinement bien sûr, de visiter ta ville de Rouen à l’occasion ? Parce que bosser dans le tourisme, ça peut très bien être une de tes perspectives d’avenir. ;-)

Je pense que Rouen est la plus belle ville du monde. Et non, je ne suis pas du tout partial en disant cela. (Rires) Bon, évidemment j’exagère...

J’aime vraiment beaucoup ma ville, depuis toujours, et je m’en rends compte de plus en plus. Je prends de plus en plus conscience de la beauté de cette ville, de ses atouts, de son caractère agréable. C’est une ville moyenne, assez normale de la grande banlieue de Paris, un peu comme Orléans, Troyes, Reims, Amiens, Tours ou Le Mans. Je pense que de toutes ces villes, Rouen est peut-être la plus indépendante, la moins «vassale» de Paris. C’est une ville portuaire et presque maritime, avec ses marées, ses mouettes, son port céréalier, un des premiers d’Europe...

Rouen est une ville plutôt grande mais qui a tous les avantages d’une ville moyenne à taille humaine. Son centre est très réduit, on peut aller d’un point à un autre à pied sans problème. C’est une ville médiévale, avec des rues à pans de bois qui font la notoriété de la ville. Elle a été en partie détruite durant la Seconde Guerre mondiale. Une partie, notamment sur les quais de Seine, est constituée d’îlots d’immeubles de trois ou quatre étages reconstruits de manière assez harmonieuse.

« Pour moi, la cathédrale de Rouen

est la plus belle du monde. »

Le clou de la ville, ça reste sa cathédrale, que j’adore. Pour moi, c’est la plus belle du monde. C’est la plus grande de France (151 mètres, par sa flèche). Elle a même été, pendant quelques années, le plus haut monument du monde – fait injustement oublié! -, dépassée je crois dans les années 1880 par la cathédrale de Cologne. Elle est élancée, racée, élégante... un peu comme moi! (Rires)

Rouen vaut le détour, vraiment!

La cathédrale de Rouen, par Arsène himself !

Un dernier mot ?

Je te remercie, parce que c’est rare qu’un site d’articles assez sérieux (sujets d’actu, culturels et historiques) s’intéresse à un candidat d’émission de divertissement. C’est une belle initiative qui va un peu à l’encontre du snobisme culturel. Ça montre ton ouverture d’esprit, ta curiosité, et j’ai apprécié cet échange.

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