Ecouteurs sans fil : «Lidl voit ses clients comme des personnes averties»

Ecouteurs sans fil : «Lidl voit ses clients comme des personnes averties»

Deux mois après le succès viral de sa gamme de vêtements (baskets, chaussettes, claquettes, tee-shirts) qui a rendu fous les internautes, Lidl lance ce jeudi des écouteurs sans fil calqués sur les modèles proposés par Samsung et Apple. Comme à l'accoutumée, l'enseigne allemande casse les prix (moins de 20 € pour ces «True Wireless Bluetooh» contre plus d'une centaine d'euros pour les deux géants de la téléphonie). Cette pratique de tarif particulièrement agressif sur le marché de la tech fait écho au Monsieur Cuisine Connect commercialisé l'an dernier : un robot de cuisine multifonction proposé deux fois moins cher que ses concurrents Magimix et Thermomix. De fait, le hard-discounter se démène depuis plusieurs années pour monter en gamme et changer son image. Stéphanie Laporte, dirigeante de l'agence Otta (conseil et formation en stratégie digitale) et directrice du master en communication digitale à l'Inseec (école de commerce et management), décrypte cette stratégie pour Libération.

Comment analysez-vous l’incursion de Lidl dans le marché des produits high-tech ?

La commercialisation d’écouteurs sans fil à bas prix est habile car elle correspond aux besoins du consommateur. Cette décision est en phase avec le positionnement que se donne Lidl depuis au moins 2014 : nous assistons à un changement de proposition vis-à-vis du consommateur. Ce dernier ne subit plus sa catégorie socioprofessionnelle, sa classe sociale ou son manque de pouvoir d’achat, il peut lui aussi être tendance sans se mettre en danger financièrement. Lidl voit ses clients comme des personnes averties, à l’affût des bons plans. Cette stratégie porte ses fruits. Se rendre dans ces magasins n’est plus perçu comme un déclassement social.

Son marketing agressif sur les réseaux sociaux est-il surprenant, de la part d’un magasin en libre-service ?

C'est très dur de contrôler et d'anticiper la viralité. Elle est, par définition, très aléatoire. Mais je ne suis pas surprise de l'ampleur du succès de Lidl, parce que leur stratégie est bien menée. Il y a un repositionnement de marque amorcé depuis au moins cinq ans à l'échelle européenne (Allemagne, France, Italie…) On note ainsi une évolution notable de la publicité sur le lieu de vente [ou PLV, c'est-à-dire l'ensemble des moyens utilisés par les distributeurs pour valoriser les produits au sein du magasin, ndlr] et dans la disposition des magasins. On passe du jaune criard à un vert classieux avec des cloisons en bois, des éléments qui rappellent l'ardoise, etc. On passe du distributeur utilitaire avec des marchandises posées sur des palettes, à un magasin où on est contents de se promener comme chez Mark & Spencer ou le BHV.

D’autres enseignes perçues comme bas de gamme ont-elles déjà tenté cette mue sans perdre sa base ?

Lidl n’a rien inventé. Nous pourrions citer Tati qui a tenté de changer de visage, au début de la dernière décennie, mais l’entreprise de textile n’a pas connu le même succès. Elle n’est jamais parvenue à sortir de l’enclave de la sanction sociale pour ses acheteurs. La disposition des magasins et leur stratégie digitale n’étaient pas en adéquation avec le coup de poker tenté. Tandis que l’enseigne allemande semble avoir compris la façon dont on fait de la communication digitale. Elle utilise les systèmes de viralité en faisant appel à des prescripteurs, des influenceurs avec des réseaux sociaux bien pris en main.

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