Le régime douanier des navires : droit de francisation et de navigation, droit sur le moteur, droit de passeport.
La jurisprudence douanière n’est pas abondante en la matière bien que les enjeux soient loin d’être négligeables. La Chambre criminelle de la Cour de cassation apporte plusieurs précisions intéressantes dans un arrêt rendu le 2 avril 2008. (Bull. crim.n° 90. p.421)
1°Sur le droit de passeport.
Selon l’article 238 du code des douanes modifié par la loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 :
« Le passeport délivré aux navires de plaisance ou de sport appartenant à des personnes physiques ou morales, quelle que soit leur nationalité, ayant leur résidence principale ou leur siège social en France, ou dont ces mêmes personnes ont la jouissance, est soumis à un visa annuel donnant lieu à la perception d’un droit de passeport.
Ce droit est à la charge du propriétaire ou de l’utilisateur du navire. Il est calculé dans les mêmes conditions, selon la même assiette, le même taux et les mêmes modalités d’application que le droit de francisation et de navigation prévu à l’article 233 ci-dessus sur les navires français de la même catégorie. Toutefois, dans le cas des navires de plaisance ou de sport battant pavillon d’un pays ou territoire qui n’a pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative en vue de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales et douanières, le droit de passeport est perçu à un taux triple du droit de francisation et de navigation pour les navires d’une longueur de coque inférieure à 15 mètres et à un taux quintuple de ce droit pour les navires d’une longueur de coque supérieure ou égale à 15 mètres.
Le droit de passeport est perçu au profit de l’Etat ou, lorsqu’il est perçu au titre des navires de plaisance titulaires d’un passeport délivré par le service des douanes en Corse et qui ont stationné dans un port corse au moins une fois au cours de l’année écoulée, au profit de la collectivité territoriale de Corse.
L’Etat perçoit sur le produit du droit de passeport perçu au profit de la collectivité territoriale de Corse un prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement égal à 2,5 % du montant dudit produit. Ce prélèvement est affecté au budget général ».
Jacques X......... était poursuivi pour n’avoir pas payé le droit de passeport afférent au navire Le Chardonnay dont la société L’Eclipse qu’il dirigeait était propriétaire. Pour juger que le prévenu a été l’utilisateur du navire entre le 7 mars 2003 et le 4 mars 2004 et qu’il était redevable, à ce titre, du droit prévu à l’article 238 du code des douanes, les juges d’appel relèvent qu’il reconnaît l’avoir utilisé durant l’année 2003 et que si Jacques X... a conclu un contrat de location-vente portant sur ce navire avec des tiers, il en est resté néanmoins le seul utilisateur jusqu’à la date de verbalisation, s’occupant de son entretien et naviguant à son bord.
Le pourvoi est rejeté au motif que pendant toute la période vérifiée par l’administration des douanes, Jacques X…est resté le seul utilisateur du navire, s’occupant de son entretien et faisant avec des promenades selon ses propres déclarations.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation vient de préciser :
1- Le droit de passeport constitue une taxe fiscale intérieure imposée à toute personne résidant en France et propriétaire d’un bateau à pavillon étranger.
2- Justifie légalement sa décision au regard des articles 237 et 238 du code des douanes et 23 et 25 du Traité CE la cour d’appel qui retient que cette taxe n’est pas une taxe d’effet équivalent au sens du droit communautaire.Com. - 17 juin 2008. REJET (Pourvoi n° 07-14.330) en cours de publication au Bull. civ.
2°Sur la taxe spéciale sur les moteurs des navires.
Pour condamner le prévenu au paiement de la taxe spéciale sur le moteur des navires, l’arrêt, après avoir relevé que le bateau disposait de deux moteurs de 87 chevaux fiscaux chacun, énonce que, pris ensemble, ces moteurs ont une puissance cumulée supérieure à 100 chevaux fiscaux. Le pourvoi du prévenu est rejeté dès lors que, pour les navires équipés de plusieurs moteurs, la puissance administrative à retenir est égale à la puissance cumulée des moteurs. La Chambre criminelle précise que l’abattement pour vétusté n’est pas applicable à la taxe spéciale propre aux moteurs d’une puissance supérieure à cent chevaux fiscaux.
3°Sur le droit de francisation et de navigation.
Selon l’article 223 du code des douanes : « Les navires francisés sont soumis au paiement d’un droit annuel, dénommé droit de francisation et de navigation, à la charge des propriétaires, au 1er janvier de l’année considérée.
L’assiette, le taux et les modalités d’application de ce droit sont fixés comme suit : Tonnage brut du navire ou longueur de coque, quotité du droit :
I. - Navires de commerce. De tout tonnage : exonération.
II. - Navires de pêche. De tout tonnage : exonération.
III. - Navires de plaisance ou de sport.
a) Droit sur la coque. De moins de 7 mètres, exonération. De 7 mètres inclus à 8 mètres exclus, 92 euros. De 8 mètres inclus à 9 mètres exclus, 131 euros. De 9 mètres inclus à 10 mètres exclus, 223 euros. De 10 mètres inclus à 11 mètres exclus, 300 euros. De 11 mètres inclus à 12 mètres exclus, 342 euros. De 12 mètres inclus à 15 mètres exclus, 573 euros. De 15 mètres et plus, 1108 euros.
b) Droit sur le moteur des navires (puissance administrative) : Jusqu’à 5 CV inclusivement, exonération. De 6 à 8 CV, 13 euros par CV au-dessus du cinquième. De 9 à 10 CV, 15 euros par CV au-dessus du cinquième. De 11 à 20 CV, 32 euros par CV au-dessus du cinquième. De 21 à 25 CV, 36 euros par CV au-dessus du cinquième. De 26 à 50 CV, 40 euros par CV au-dessus du cinquième. De 51 à 99 CV, 45 euros par CV au-dessus du cinquième.
c) Taxe spéciale : Pour les moteurs ayant une puissance administrative égale ou supérieure à 100 CV, le droit prévu au b est remplacé par une taxe spéciale de 57,96 euros par CV.
Toutefois, pour les navires de plaisance francisés dont le port d’attache est situé en Corse et qui ont stationné dans un port corse au moins une fois au cours de l’année écoulée, le taux du droit est fixé par la collectivité territoriale de Corse et doit être compris entre 50 p. 100 et 90 p. 100 du taux prévu dans le tableau ci-dessus pour la même catégorie de navire ».
L’article 224 modifié par la loi n°2007-1822 du 24 décembre 2007, précise :
« 1. A l’exception du produit afférent aux navires de plaisance mentionnés au dernier alinéa de l’article 223, perçu au profit de la collectivité territoriale de Corse, le montant du produit du droit de francisation et de navigation est affecté en 2007 et 2008 au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.
L’Etat perçoit sur le produit du droit de francisation et de navigation perçu au profit de la collectivité territoriale de Corse un prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement égal à 2,5 % du montant dudit produit. Ce prélèvement est affecté au budget général.
Il est recouvré par année civile.
En cas de retard dans le versement du droit de francisation et de navigation par rapport aux dates limites fixées par décret, une majoration de 10 % du montant de ce droit est automatiquement appliquée. Cette majoration n’est mise en recouvrement que lorsque son montant excède 8 euros.
2. Lorsque les navires de commerce ou de pêche sont désarmés pendant une période qui recouvre en totalité une année civile, le droit annuel de francisation et de navigation n’est pas dû au titre de ladite année.
3. Sont exonérés du droit de francisation et de navigation : les embarcations appartenant à des écoles de sports nautiques qui relèvent d’associations agréées par le ministre chargé des sports ; les embarcations mues principalement par l’énergie humaine dont les caractéristiques sont fixées par décret ; les bateaux classés au titre des monuments historiques conformément à l’article L. 622-1 du code du patrimoine ; les bateaux d’intérêt patrimonial ayant reçu le label de la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, dans des conditions fixées par décret.
4. Les taux du droit sur la coque et du droit sur le moteur prévus au III de l’article 223 ci-dessus font l’objet, pour les navires de plaisance ou de sport, d’un abattement pour vétusté égal à :- 33 % pour les bateaux de 10 à 20 ans, 55 % pour les bateaux de 20 à 25 ans, 80 % pour le bateaux de plus de 25 ans.
5. Le droit de francisation et de navigation n’est pas perçu lorsque son montant, calculé par navire, est inférieur à 76 euros ».
La Cour de cassation considère qu’il résulte des articles 223, 224 et 238 du code des douanes et 1er du décret du 10 septembre 1968 que lorsque le droit de passeport est perçu à l’occasion de la délivrance en cours d’année, par le service des douanes, du premier acte de francisation d’un navire ou du premier passeport, il est calculé au prorata du temps qui reste à courir, jusqu’au 31 décembre, tout mois incomplet étant compté pour un mois entier.
Parmi les rares décisions en cette matière on citera aussi :
Cass. crim., 11 janvier 2006 : (Marco X ) Gaz. Pal. 2006, somm. 557, note A.C. :
1) Le droit passage inoffensif des navires dans la mer territoriale, tel que défini à l’article 18 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, n’interdit pas aux agents des douanes d’effectuer des contrôles à bord desdits navires.
2) L’article 62 du Code des douanes autorise lesagents des douanes à visiter tout navire se trouvant dans la zone maritime du rayon des douanes. Son application à la visite d’un navire de plaisance comprenant des parties privatives n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Cass.crim. 14 mai 1998 (Domergue et Tapie) Bull. crim. n° 163 :
« La fausse déclaration, comme navire de commerce, d’un bâtiment de plaisance en vue de bénéficier d’une exonération du droit annuel de navigation prévu à l’article 223 du titre IX du code des douanes, constitue une infraction spécifique, qui, en l’absence de dispositions particulières, ne peut être sanctionnée que des peines prévues à l’article 411 du code des douanes ».
Cass. crim. 19 octobre 1995. Bull. crim. n° 316 :
« Est réputée importation sans déclaration de marchandises prohibées, selon l’article 427-3 du code des douanes, le fait de faire séjourner un navire dans les eaux territoriales sous couvertd’un titre de nationalité inapplicable. Ainsi justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer un ressortissant français coupable de ce délit, relève que l’intéressé avait fait naviguer un navire de plaisance dans les eaux territoriales à l’aide d’un passeportde navire étranger nécessairement inapplicable, dès lors que sous le couvert d’une société de pure façade domiciliée à jersey, il en était le véritable propriétaire ».
Cass. crim. 17 septembre 1991. Gaz. Pal. 11-13 octobre 1992, note J. Pannier :
« Saisie sur le fondement de l’art. 171 C. pr. pén. et pour dire n’y avoir lieu à annulation du procès-verbal des douanes, la Chambre d’accusation relate qu’à la suite de l’arraisonnement d’un voilier naviguant dans les eaux territoriales à bord duquel se trouvaient les inculpés, les agents des douanes ont procédé à la visite de ce bâtiment en mer puis en baie de Camaret. Ces opérations s’étant révélées infructueuses, lesdits agents ont poursuivi, au port de commerce de Brest où le bateau avait été conduit avec l’accord de son « skipper », le contrôle de l’embarcation, ce qui a permis la découverte de 1965 kg de résine de cannabis dissimulés dans des caches aménagées.
Après avoir noté que les fonctionnaires des douanes disposent en vertu de l’art. 62 C. douanes du pouvoir de visiter les navires dont la jauge brute est inférieure à 1000 tonneaux et que celle du voilier arraisonné était en l’occurrence de 28 tonneaux, les juges relèvent qu’au cours de ces opérations les inculpés n’ont été à aucun moment retenus contre leur gré ni fait l’objet d’une quelconque mesure coercitive. La mesure de retenue douanière prise à leur encontre n’a débuté qu’au moment de la découverte des stupéfiants. Les juges en concluent que les opérations précitées effectuées en application des art. 60 et 62 C. douanes ne sont entachées d’aucune irrégularité. En se prononçant ainsi, la Chambre d’accusation, loin de méconnaître les textes visés au moyen, en a fait au contraire l’exacte application ».
Le juge d’instruction avait saisi la Chambre d’accusation aux fins d’annulation de la procédure au motif que la retenue des deux personnes se trouvant à bord du bateau avait duré près de vingt trois heures. C’était sans compter avec l’habileté des douaniers qui avaient pris la précaution de faire préciser par procès-verbal aux deux convoyeurs de la drogue qu’ils étaient restés à bord de leur bateau pendant toute la durée de la visite, aussi bien en mer que dans la baie de Camaret. Ainsi la retenue douanière fut-elle réputée avoir commencé seulement au moment de la découverte des stupéfiants.
La Chambre criminelle n’a plus osé ici affirmer que la retenue est inhérente au droit de visite, ce qu’elle avait pourtant expressément admis dans son célèbre arrêt Gros (Crim. 15 juin 1987 Gaz. Pal. 1987. 2. 796. rapp. D. Bayet).
Jean PANNIER (Email)Docteur en droit Avocat à la Cour de Paris
Articles Liés