Les "bullshit jobs": ces Varois ont été employés pour faires des métiers inutiles Ils racontent

Les "bullshit jobs": ces Varois ont été employés pour faires des métiers inutiles Ils racontent

Rémunérer quelqu’un à effectuer une tâche qui ne sert à rien, une hérésie? Pourtant, les consultants bidons, les "happiness managers" et autres cabinets de conseil aux tirades aussi vides de sens que bourrées d’anglicismes prospèrent. Tout comme prolifèrent les vigiles inutiles et les gestionnaires de portefeuille qui n’aident pas à gagner plus d’argent… La technique? Un art de multiplier les tâches inutiles afin de "mettre en scène" son travail, baptisé à l’international "bullshit job".

Le phénomène n’est pas nouveau. Déjà dans Les Temps modernes, le film culte de Charlie Chaplin sorti en 1936, non seulement rien ne fonctionne, mais les usines ne produisent rien de visible.

Travailler un jour par semaine

"Dans son enquête auprès des managers, Robert Jackall a collecté cette perle, dans la bouche d’un avocat d’une grande entreprise étasunienne au début des années 1980 et qui rappellera à certains les débuts du confinement: "Je pense vraiment que si la plupart des gens ne venaient pas travailler, cela n’aurait aucune conséquence. Vous pourriez sans problème ne venir qu’un jour par semaine pour faire ce qui est absolument nécessaire". Exactement la définition d’un bullshit job. Pourtant, personne à l’époque n’en parlait. Que s’est-il passé?", interroge Nicolas Kayser-Bril qui se propose de répondre dans son essai Imposture à temps complet (sortie le 20 janvier aux Éditions du Faubourg).

Aussi étrange et paradoxal que cela puisse paraître, ce "travail inutile" fruit du libéralisme ne nuit pas à la prospérité. La preuve, l’économie continue à fonctionner comme si de rien n’était!

Légitimer une position sociale

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"La Covid a plongé nos sociétés dans une crise où l’on manque de bras pour faire des boulots utiles, comme de soigner les malades ou de récolter les légumes. Par ailleurs, beaucoup d’employés profitent du télétravail pour lever le pied et ne plus travailler que le temps nécessaire à accomplir leurs tâches, parfois deux heures par jour au lieu des huit prévues. (...) Le seul problème est politique : diminuer le temps travaillé remettrait en question la centralité du travail. On ne pourrait plus le regarder comme un"instrument d’émancipation", pour reprendre les mots de François Hollande. Il faudrait remplacer le travail par autre chose, et bien peu de politiques osent l’envisager. Au lieu de cela, c’est le travail que l’on redéfinit sans cesse afin qu’il puisse remplir les journées des citoyens", poursuit l’auteur, lui-même confronté plus jeune à un travail inutile - et obscur! - de... "blended learning" qui lui a inspiré son ouvrage.

Alors, à qui profitent les "bullshit jobs"? "En premier lieu aux personnes qui les occupent. Ils permettent de légitimer leur position sociale et leurs revenus. Plus on descend l’échelle sociale, plus il devient difficile d’obtenir un "bullshit job". C’est pour cette raison que les métiers utiles, comme aide-soignant ou agent de propreté, sont aussi les plus mal rémunérés", analyse Nicolas Kayser-Bril.

Les témoignages de Varois (lire par ailleurs), souvent démissionnaires face à ces postes "qui ne leur apportent rien", viennent confirmer ses questionnements sur "le sens du travail".

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