«Plus contagieux que Delta», Omicron menace l’Europe

«Plus contagieux que Delta», Omicron menace l’Europe

Faute de recul, il est difficile d’établir la virulence du variant Omicron pour le moment. Mais il représente dans tous les cas une menace certaine de par sa très forte contagiosité (de 30 à 50% plus transmissible que le variant Delta), explique Gérard Schockmel, médecin consultant en maladies infectieuses aux Hôpitaux Robert Schuman (HRS). Ses nombreuses mutations diminuent la protection conférée par la vaccination, même si une troisième dose permet de rehausser à nouveau la protection, que ce soit contre les infections ou les formes graves.

Le Covid-19 ne va en tout cas pas disparaître, et d’autres variants apparaîtront. Mais la vaccination et les vagues successives d’infections permettent d’espérer à terme une protection immunitaire de la population, réduisant les risques de formes graves.

Avec le recul que nous avons désormais, que sait-on du variant Omicron?

Gérard Schockmel. – «Ce que nous pouvons dire avec certitude, c’est que le variant Omicron est plus contagieux. Il est 30 à 50% plus transmissible que le variant Delta, qui était déjà le champion en la matière. Ainsi, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni ou au Danemark, le nombre de cas double tous les deux à trois jours.

Le problème actuel reste le variant Delta. Mais nous verrons avec quelle rapidité Omicron se substituera à Delta. En Europe, le variant Omicron devrait devenir dominant d’ici à quelques semaines – même si cela reste une extrapolation.

Mais ce variant Omicron est-il plus susceptible de provoquer des formes graves?

«Les complications prennent un certain temps à se développer, nous n’avons donc pas assez de recul – seulement trois semaines en Afrique du Sud. En outre, dans ce pays, la population est jeune et bénéficie d’une certaine immunité, car beaucoup parmi eux ont déjà été infectés ou vaccinés. Donc cela peut donner l’impression que le virus est moins virulent.

Mais, dans l’absolu, c’est plus compliqué, car il faudrait comparer des groupes de personnes non vaccinées infectées, dans un cas, par Delta, et, dans l’autre, par Omicron. Or, nous n’avons plus de tels cas de figure, car beaucoup de personnes au sein d’une communauté sont désormais immunisées par la vaccination ou l’infection.

Il y aura un plus grand nombre de cas, et par conséquent un plus grand nombre de personnes avec des complications.

Gérard Schockmel,&nbspHRS

Mais la tendance actuelle semble pencher vers une virulence moins forte du variant Omicron…

«Si nous assumons que le variant Omicron est moins virulent, il reste néanmoins très transmissible. Il y aura donc de ce fait un plus grand nombre de cas, et par conséquent un plus grand nombre de personnes avec des complications. La question est de savoir qui sera concerné.

Les personnes les plus vulnérables sont celles non vaccinées. Beaucoup de personnes non vaccinées auront des complications, même si le variant est moins virulent. Donc elles ont intérêt à se faire vacciner. Il y a aussi le groupe des personnes qui ont été infectées par le Covid. Chez elles aussi, les anticorps s’estompent au fil du temps, et pour elles aussi, la recommandation est de se faire vacciner.

«Plus contagieux que Delta», Omicron menace l’Europe

Qu’en est-il des personnes vaccinées? Les nombreuses mutations du variant Omicron semblent affecter l’efficacité des vaccins…

«Pour les personnes vaccinées avec deux doses, l’immunité est en effet plus faible contre Omicron. Au Royaume-Uni, les chiffres actuels indiquent une protection de 40% contre les infections quelques mois après la deuxième dose et de 70% contre les formes graves.

Mais la bonne nouvelle est qu’avec une troisième dose, la protection contre les infections remonte à 80%. Et tout porte à croire que la protection augmente également contre les formes graves – même si cela reste difficile à mesurer – et que celle-ci dure plus longtemps.

Avec une 3e dose, la protection contre les infections remonte à 80%. Et tout porte à croire que la protection augmente également contre les formes graves.

Gérard Schockmel,&nbspHRS

La protection contre les formes graves reste importante. Quelle en est la raison?

«Il existe deux lignes de défense: la première, qu’on appelle l’immunité humorale, est conférée par les anticorps et est efficace contre les infections. Cette immunité s’estompe vite avec le temps.

Puis, une deuxième ligne de défense: l’immunité cellulaire, qui est efficace contre les formes graves. Elle fonctionne surtout avec les lymphocytes T, dont font partie les «cellules tueuses». Une fois une personne infectée, les anticorps ne sont plus tellement efficaces, car ce sont les cellules tueuses qui vont détruire les cellules infectées. Or, cette immunité ne s’estompe pas aussi vite.

Ainsi, à l’heure actuelle, une personne ayant reçu deux doses vaccinales bénéficie d’une protection contre l’infection de 40% par les anticorps, mais elle reste protégée à 70% contre les complications graves par le biais de l’immunité cellulaire.

Les première et deuxième doses étaient très rapprochées – trop rapprochées pour créer une mémoire immunologique à long terme. Mais l’objectif était alors de procurer une immunité maximale sur un temps court.

Gérard Schockmel,&nbspHRS

En outre, le variant Omicron se caractérise par de nombreuses mutations. Mais ces mutations concernent surtout les sites d’attachement des anticorps. Or, les cellules tueuses ne s’attachent pas forcément au même endroit, donc elles sont moins concernées par ces mutations.

Le gouvernement a récemment baissé le délai pour accéder à la troisième dose de six à cinq mois après la vaccination. Et celui-ci devrait passer à quatre mois en début d’année. Quel délai offre une efficacité maximale à la troisième dose?

«Plus de temps entre les deux premières doses aurait conféré une meilleure immunité et une meilleure mémoire immunologique. Au début de la campagne de vaccination, les première et deuxième doses étaient très rapprochées – trop rapprochées pour créer une mémoire immunologique à long terme. Mais l’objectif était alors de procurer une immunité maximale sur un temps court, car, lorsque les infections flambent, il y a urgence.

Au sujet du timing de la troisième dose, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a déjà discuté d’un délai de trois mois. Je préconiserais de la flexibilité. Mais il est important de ne pas perdre de vue les personnes les plus vulnérables, qui doivent rester prioritaires.

Le virus ne va pas disparaître. Mais nous allons nous en sortir collectivement, car l’immunité se crée de vague en vague.

Gérard Schockmel,&nbspHRS

Les effets secondaires de la troisième dose ne sont-ils pas plus forts?

«C’est variable. Des personnes ont réagi plus fortement à la troisième dose. D’autres l’ont mieux tolérée que les première et deuxième doses. Il n’y a pas de règle uniforme.

Une quatrième dose sera-t-elle nécessaire? Et, si oui, à quelle échéance?

«Pour l’instant, nous ne savons pas. L’immunité cellulaire a une grande longévité en général. Mais quelle sera son efficacité face à de nouveaux variants? En toute probabilité, la quatrième dose se fera avec des vaccins déjà adaptés et taillés sur mesure pour les nouveaux variants. Mais ces nouveaux vaccins ne seront pas disponibles avant quelques mois. Il ne faudra donc surtout pas les attendre pour la troisième dose.

L’apparition de ce nouveau variant Omicron semble aggraver une situation qui était déjà très précaire. D’autres variants apparaîtront. Une sortie de crise est-elle envisageable?

«Le virus ne va pas disparaître. Mais nous allons nous en sortir collectivement, car l’immunité se crée de vague en vague. Les nouveaux variants circuleront donc au sein de populations qui ont déjà acquis une immunité partielle. Dans l’absolu, ils ne seront pas moins virulents. Mais leurs effets seront progressivement de moins en moins importants au niveau de la communauté prise dans son ensemble.

Si une obligation vaccinale avait été appliquée dès le printemps, nous ne serions pas dans une situation de crise cet hiver.

Gérard Schockmel,&nbspHRS

Le nombre de cas explose en Europe, alors que les fêtes de fin d’année – un moment sensible, puisque les gens se réunissent – approchent. Quels conseils vous semblent utiles?

«L’urgence est que les personnes non vaccinées se fassent vacciner. Que ceux qui y sont éligibles reçoivent leur troisième dose. Et que les personnes précédemment infectées se fassent vacciner aussi, car de plus en plus d’études montrent qu’un schéma vaccinal complet leur est nécessaire, à elles aussi.

Les mesures sanitaires du gouvernement vous paraissent-elles adaptées à la situation?

«Si une obligation vaccinale avait été appliquée dès le printemps, nous ne serions pas dans une situation de crise cet hiver. Le calcul politique a été clair: éviter l’obligation vaccinale afin de ne pas se rendre impopulaire. Mais cela ne fonctionne pas. Cela a au contraire créé la division au sein de la société, entre les vaccinés et les non-vaccinés. Au contraire, l’obligation vaccinale est une mesure égalitaire visant l’égalité civile et sociale. Mais nos gouvernants n’ont toujours pas le courage nécessaire. C’est une procrastination sans fin.»

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