"C’était mieux après" : Bill François, le physicien qui déconstruit la connerie grâce à l'éloquence

"C’était mieux après" : Bill François, le physicien qui déconstruit la connerie grâce à l'éloquence

« Une partie de notre cerveau liée à l’intelligence, le cortex, a évolué, mais la partie du cerveau ancestrale, le striatum, est restée comme à l’époque où on était des singes. On a dans notre tête une partie géniale, et une partie imbécile, l’une conçoit les Airbus et l’autre conçoit les plateaux-repas qu’on nous sert dans les Airbus. » Jongler entre la connerie du monde et l’intelligence humaine, voilà à peu près l’objectif de Bill François, dans « C’était mieux après ».

À vrai dire, oubliez les vannes pas très drôles entendues cent fois sur les sandwichs et les blonds, et branchez votre cerveau : le spectacle qui se joue au Studio des Champs-Élysées jusqu’à Noël les mardi et mercredi est un Ovni. À mi-chemin entre le stand-up pur et dur et la conférence de physicien sur le sens de la vie, à la façon de l’exoconférence d’Alexandre Astier. Il faut dire que Bill François est, de fait, physicien. Et n’a pas vraiment le profil type de l’humoriste lambda. Passé par les bancs de l’ENS, auteur d’une thèse sur la physique des bancs de poisson, il a enchaîné les victoires en concours d’éloquence avant d’être contacté pour l’émission « Le Grand oral » sur France 2. Qu’il a aussi remportée. Et puis, passionné par les poissons et la pêche, le surdoué aux allures de premier de la classe en maths a écrit L’éloquence des sardines, un livre traduit en 17 langues pour diffuser les connaissances scientifiques sur le monde marin.

Bill François, c’est la grosse tête timide qui a trouvé dans l’éloquence et l’humour le moyen d’extérioriser les tas de trucs barrés qui grouillent dans son imagination. Et fait voyager les autres au moyen de maximes sur le sens de la vie, d’alexandrins, d’anecdotes absurdes et d’improvisation en fonction de l’actualité. Les timides, d'aillleurs, il en parle d’autant mieux qu’il en est : « Les gens ne sont pas tendres avec nous, les timides. Quand même… la phrase qu’on dit le plus souvent aux timides, c’est "sois pas timide, je vais pas te mordre !"Qu’est-ce que vous voulez que nous, les timides, on réponde à ça ? ».

Des ratés et des inventeurs, qui sert le plus à la société ?

Et puis il y a les ratés. Bill François leur rend hommage en alexandrins : « Et, de tous les ratés, grands, moyens, ou petits / Ceux qui ratent leur plat, leur métro, ou leur vie / Rendons surtout hommage aux ambitieux grandioses / Ceux dont le beau naufrage est dû au fait qu’ils osent. »

Démocratie, technologie, religion… Bill François en vient vite à poser la question que tout le monde se pose : « Depuis quand ça a merdé ? ». Pourquoi l’invasion des trottinettes électriques, le détournement de l’intelligence artificielle pour concevoir des filtres Snapchat à tête de licorne, ou bien l’humanité condamnée à passer 9 heures par jour sur des tableaux Excel… ? Pourquoi les archéologues du futur trouveront « des touillettes en plastique, des emballages, des boîtes à kebab, des trucs avec des ronds pour mettre les bières dedans… » ?

Rappelez-vous : le problème c’est que nous sommes des singes en moins bien. Et puis c’est aussi notre faculté à inventer des choses, explique Bill François, avec un sketch particulièrement bien senti sur toutes ces inventions qui servent à rien, hormis créer de nouveaux marchés : « On invente, on invente… mais est-ce qu’une seule fois, ces inventeurs nous ont demandé si on était intéressés par leurs inventions ? Y a-t-il eu un référendum avant de sortir Tik Tok, le Thermomix connecté, ou les écouteurs sans fil qui ne tiennent pas dans les oreilles ? ». Bref, on a l'impression de sortir un peu moins con du spectacle de Bill François après qu'il nous ait été rappelé quelques éléments élémentaires sur le sens de la vie. Mais on se sent un peu plus con après avoir vu l'éloquence du physicien débiter des vers façon Cyrano 2021. A vous de voir si l'équilibre vous convient.

« C'était mieux après » de Bill François, mise en scène d'Alain Sachs. Au Studio des Champs-Élysées les mardi et mercredi jusqu’à fin décembre.

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