Covid-19. Avec Omicron, suivre les cas contacts reste-t-il utile pour lutter contre l’épidémie ?
Qui, en ce mois de janvier 2022 marqué par l’irruption du variant Omicron, n’a pas été cas contact ? Avec jusqu’à 500 000 nouveaux cas quotidiens, le nombre de personnes ayant hérité de cet inconfortable statut a lui aussi explosé.
Dans la mesure où toute la France semble cas contact ou être vouée à le devenir prochainement, ce concept et les outils de gestion de crise qui s’y rattachent ont-ils encore un sens et une utilité ? Éléments de réponse.
Au début, était le contact tracing…
Depuis le début de la pandémie, le concept de cas contact est intimement lié à son exploitation opérationnelle : le contact tracing.
Ce procédé vise à remonter et casser les chaînes de contamination en identifiant les personnes ayant été en contact avec un cas positif et en leur demandant de s’isoler ou de se tester
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Menées par les équipes de l’Assurance maladie, ces opérations étaient censées permettre, selon l’expression consacrée, de « garder le contrôle de l’épidémie ». Ce qu’elles n’ont jamais vraiment permis de faire.
« Lors des pics, ce principe de suivre les contacts ne pouvait pas être effectif à 100 % car il y avait trop de contacts à suivre », résume Jean-François Gehanno, professeur des universités et membre du Haut conseil de la santé publique.
« En France, on sait que le contact tracing est efficace jusqu’à 5 000 / 10 000 cas par jour », précise Jonathan Roux, épidémiologiste à l’École des hautes études de santé publique.
Une méthode impossible à suivre avec Omicron
On s’en sera douté, ce procédé est devenu impossible à appliquer au temps d’un variant Omicron responsable de centaines de milliers de cas tous les jours.
Dans un avis sur la question, publié début janvier, le Haut conseil de la santé publique le prévoyait déjà : avec Omicron, « le nombre de contaminations journalières sera rapidement supérieur à 200 000 nouveaux cas et, de fait, le nombre de contacts sera considérable, rendant impossibles les mesures de quarantaine » mises en place pour les cas contacts. Un constat d’autant plus vrai, à l’heure actuelle, où le nombre de cas quotidiens oscille entre 400 000 et 500 000.
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« 500 000 cas par jour, si on multiplie par le nombre de contacts, ça fait au moins un million et demi de personnes à contacter », compte Jonathan Roux. Une gageure. De fait, sur le terrain « tous les cas contacts ne sont pas appelés comme nous le faisions auparavant »,expliquait récemment à Ouest-France Mohamed Azgag, le directeur de la Caisse primaire d’Assurance maladie du Morbihan.
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En plus de la profusion de cas qu’il provoque, la rapidité avec laquelle Omicron contamine ses victimes rend encore plus inopérantes ces opérations de contacts tracings. « Avec les variants historiques, le temps médian d’incubation avant l’apparition des symptômes était de six jours. Pour le variant Omicron, il est de trois jours. Et comme on sait que les gens sont contaminants 24 à 48 heures avant de développer des symptômes, c’est sûr que ça rend le dispositif très compliqué et probablement assez inopérant », résume Jean-François Gehanno. Bref, « on est dépassé par la cinétique d’Omicron », constate le professeur du CHU de Rouen.
Un dispositif à réorienter
Néanmoins, la définition des cas contacts d’une personne positive, et le tracing qui s’ensuit, pourrait garder une certaine utilité.
Dans quel cas, précisément ? Si on flèche le dispositif « vers les personnes qui auraient besoin d’une prise en charge spécifique », avance Jonathan Roux. Soit « les personnes pas vaccinées, les personnes fragiles, les personnes immunodéprimées… »
« Si le cas contact est quelqu’un à risque de formes graves, il y a la possibilité de prescrire un traitement », abonde Jean-François Gehanno. C’est là où les pilules anti-Covid conçues par Pfizer et autres Merck entreraient en jeu.
Les équipes de l’Assurance maladie ont donc toujours un rôle décisif à jouer, pour les cas les plus sensibles.
Le contact tracing de masse est devenu informel
Pour le reste de la population, un tracing plus informel reste en vigueur : celui qui, depuis le début de la pandémie, s’est organisé sur le tas au sein même de la population,
« On a vu qu’il y a eu un peu un basculement dans la population, note Jonathan Roux. Maintenant, les gens contactent eux-mêmes les personnes qu’ils ont vues dans les 48 dernières heures pour leur dire qu’ils sont cas contact.Et souvent, ils le font avec beaucoup de précaution, en considérant que certaines personnes peuvent être cas contact alors qu’elles ne le sont pas d’après les règles qui étaient édictées par l’Assurance maladie ».
Si, selon le chercheur, ces préventions ont pu contribuer à engorger le système de tests au début du mois de janvier, elles n’en restent pas moins une bonne chose pour contribuer à endiguer l’épidémie, ou du moins à ralentir sa progression. « C’est une bonne façon de contourner le circuit et d’alerter plus rapidement ses contacts », acquiesce Jean-François Gehanno.
La difficulté des règles changeantes
Mais, pour ces cas contacts alertés par les circuits officieux, subsiste une difficulté : s’y retrouver. Car les recommandations, de plus en plus précises et changeantes, ont de quoi égarer les plus assidus. « Il faut adapter le protocole au virus auquel on est en train de faire face, rappelle Jonathan Roux. Mais à trop changer de stratégie, on perd la population qui ne sait plus quel test utiliser et quand ».
Et Jean-François Géhanno de résumer la problématique, dans une formule à l’indéniable scientificité : « Je constate l’évolution rapide des connaissances scientifiques, je comprends donc l’évolution nécessaire des recommandations et de la réglementation. Et je constate malheureusement que ça rend la pédagogie compliquée. ». Un théorème qui peut s’appliquer à de nombreuses facettes de la pandémie.
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