Apple Music & Dolby Atmos : notre test
Au mois de mai 2021, Apple a annoncé la conversion de l’intégralité de son catalogue – 90 millions de titres – à un nouveau format sans perte. Sans perte vraiment ? Les fichiers au nouveau format Apple Lossless Audio Codec (ALAC) remplacent le catalogue jusqu’alors disponible en AAC (Advanced Audio Codec), algorithme de compression dont la version la plus évoluée avait déjà pour ambition de faire mieux que le MP3. ALAC se veut un algorithme de compression sans perte, dans des résolutions allant de 16 Bits/44,1 kHz (qualité CD) à 24 Bits/192 kHz. Cela reste malgré tout un format de compression, l’objectif étant de faciliter le transport et la transmission de musique majoritairement consommée de manière nomade sur smartphone. Avec des écouteurs ou un casque Bluetooth, protocole qui ne permet pas l’exploitation de l’ALAC (ou de tout autre format hi-fi) en pleine résolution… Afin de gagner de l’espace de stockage et améliorer le débit, l’ALAC administre un taux de compression voisin de 40 à 50 % aux fichiers musicaux au format PCM. L’algorithme tient compte des paramètres de l’audition pour habilement tromper le cerveau de l’auditeur, et ce de manière quasi indétectable pour une oreille non exercée. Soit.
Musique sans perte et spatialisée
Là où cela prend une autre dimension, c’est lorsque qu’Apple s’associe aux laboratoires Dolby. Une autre société américaine célèbre pour avoir inventé, entre autres, les systèmes de réduction de bruit et d’encodage multipiste pour le cinéma, avec pistes optiques puis magnétiques directement imprimées sur la pellicule, ainsi que le son multipiste synchronisé avec l’image numérique 4K de nos salles obscures.
L’expérience du cinéma nous renseigne sur ce que le Dolby Atmos – comme son concurrent le DTS:X – apporte à l’auditeur. A savoir une immersion totale permettant de déplacer une source sonore latéralement, mais aussi d’avant en arrière, de bas en haut, et une combinaison de ces trois directions, dans un espace réellement 3D. Dans le cas d’une régie comme celle du studio Guillaume Tell, on travaille sur une base physique de 14 sources sonores, en 9.1.4 (voir encadré), ce qui reflète exactement ce que l’on peut entendre dans les meilleures salles de cinéma.
Ce qui vaut pour installer une ambiance, suivre une action en mouvement ou recréer un paysage sonore ne vaudrait-il pas pour une écoute musicale cherchant à reproduire les conditions du réel ? Sujet vieux comme le monde ; les hommes des cavernes ne faisaient pas que peindre dans les grottes, mais en étudiaient déjà les facultés résonantes et réverbérantes. Le chant grégorien doit beaucoup à l’acoustique des abbatiales. En 1610 Monte-verdi compose les Vêpres de la Vierge en spatialisant le chœur et en intégrant l’écho de la salle à ses compositions. La quadriphonie gagne les foyers dans les années 1970, mais aussi les concerts des Pink Floyd et des groupes de musique progressive de l’époque. En musique contemporaine, des compositeurs s’intéressent de près aux techniques électroacoustiques environnementales, et composent des œuvres destinées à être données en plaçant le public en immersion (Edgard Varèse, John Cage, Marc-André Dalbavie… ). Bref, le champ est immense, et sans aller jusqu’à ces expériences ultimes, l’espace créatif est décuplé pour les artistes et ingénieurs du son…
Le test
Deutsche Grammophon est un des tout premiers labels à s’être investi dans la production d’enregistrements multicanaux en Dolby Atmos. Dans les premières sorties disponibles sur Apple Music on trouve la Symphonie n° 8 « Des Mille » de Mahler, par le Los Angeles Philharmonic, disque mixé nativement en Dolby Atmos, avec l’implication du chef Gustavo Dudamel. Toujours chez DG, « Echoes of Life » le récital de la pianiste Alice Sara Ott. Nombre de disques en Atmos sont désormais disponibles, dans tous les genres musicaux.
A notre disposition un iPhone 12 et un casque AirPods Max, utilisable en Bluetooth ou en filaire avec un câble Lightning. En filaire, le seul format supporté est le Lossless 24 Bits/48 kHz d’où une qualité excellente, au volume sonore étrangement limité ; en liaison Bluetooth AAC, le niveau sonore disponible est nettement plus élevé, et on a le choix, dans le menu du casque, de cocher ou décocher le paramètre Audio Spatial. Sur la quasi-majorité des extraits écoutés, ce que l’Audio Spatial ajoute en espace sonore et en réverbération se fait au détriment de la transparence et de la lisibilité. C’est parfaitement repérable sur un violon solo, une voix ou le jeu d’un piano. Pour le dire autrement, dans un cas on est dans une écoute globalisante, façon grande salle, dans l’autre dans une écoute hi-fi plus précise et plus juste, au plus près des interprètes.
On en vient donc à résumer cela à un choix artistique, celui du producteur et des musiciens d’une part, et celui de l’ingénieur du son d’autre part. Et là, c’est un peu la boîte noire, puisque la technique rend tout possible. Gageons que ces différents acteurs apprivoisent l’outil pour proposer à l’auditeur une expérience réellement positive en écoute musicale. Si ce n’est que cela reste une gageure de faire entrer 9.1.4 canaux dans un casque équipé de deux transducteurs. Et même si Apple Music n’est en rien engagé dans le débat artistique, en faisant la promotion du format, il en devient un acteur important. Avec l’idée que cela va procurer de nouveaux débouchés pour l’industrie musicale, et stimuler la créativité des artistes et des producteurs. L’avenir seul le dira. Heureusement, le choix final est encore laissé à l’auditeur…
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